Les conséquences du harcèlement

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Aujourd’hui, j’ai décidé d’aborder un thème très compliqué, un sujet dont je ne parle pas beaucoup tant il est douloureux même des années après (et aussi, parce que le manque d’empathie des gens tend à me rendre folle).

J’ai été harcelée.

J’ai été harcelée au collège. J’ai été harcelée au lycée.

Je vous ai déjà évoqué le harcèlement que j’ai vécu dans mon article « Vivre avec des traumatismes ». Je ne vous raconterai pas mon histoire aujourd’hui. Certes, ça commence à remonter mais je ne me sens pas encore prête à disserter sur ce sujet. Un jour, peut-être, je réussirai.

Non, c’est sûr, je réussirai, je n’ai simplement pas envie de me forcer à le faire car, si je me force, c’est que je ne suis pas encore à l’aise avec le sujet (mais serai-je à l’aise un jour ?).


On parle de plus en plus du harcèlement, heureusement et malheureusement. 

Heureusement, car cela permet de mettre en lumière les faits innommables qui se produisent dans les établissements scolaire.

Malheureusement, car cela ne devrait pas exister. Chacun devrait être libre d’aller en cours sans crainte, sans avoir peur de se prendre les moqueries, des coups, des insultes, sans se demander ce que les gens vont encore inventer pour le faire chier.

Mais si seulement le harcèlement s’arrêtait dans les cours d’école… Non, il continue, partout, tout le temps, encore plus à l'époque des réseaux sociaux. 

Le harcèlement a des conséquences qui vont au-delà de l’école, des traumatismes qui persistent dans le temps.

Aujourd’hui, j’ai décidé d’aborder avec vous les conséquences que le harcèlement scolaire a eu sur ma personne.


Article lié : Vivre avec des traumatismes


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L’impossibilité de faire confiance aux gens


Quand j’étais petite j’idolâtrais les adultes, comme la plupart des enfants (ou peut-être était-ce seulement moi ?). Ils étaient pour moi des personnes pleines de sagesse et rendaient la justice avec impartialité. Je pouvais avoir confiance en eux, ils étaient là pour m’aider, ils étaient là pour me croire.

C'est fou la naïveté dont on peut faire preuve lorsque l'on est jeune.

À l’âge de six ans, j’ai compris que je ne pouvais pas faire confiance aux adultes et que la justice n’existait pas.

Une fille de ma classe a essayé de m’étrangler, je l’ai frappée pour qu’elle me lâche. Elle est allée se plaindre et n’a pas été punie. Moi si. J’ai reçu la pire des punitions : on n’a pas cru mes propos, justice ne m’a pas été rendue.

Quand j’étais en troisième, alors que le harcèlement battait son plein, les surveillants comme les profs fermaient les yeux, m’enfonçaient et ne me croyaient pas quand je disais que je n’étais pas responsable d’une connerie.

À l’âge de seize ans, je suis sortie en larmes et folle de rage de la salle-de-sport après que le prof se soit foutu de moi en entendant une fille de ma classe me traiter de « sale pute ».

À l’âge de dix-sept ans, je me suis prise un zéro en anglais car j’ai été incapable de passer à l’oral face à des personnes hilares qui n’attendaient qu’une chose : que je fasse un faux-pas. La prof n’a pas voulu me faire passer individuellement. Un soucis d’égalité, me direz-vous. Où était l’égalité là-dedans ? Elle savait que je pouvais m’exprimer convenablement dans la langue de Shakespeare, je n’étais simplement pas capable de le faire face à une armée de personnes prêtes à tout pour me démolir davantage. 

Mais au-delà de ma confiance envers les adultes qui a été ébranlée, je n’arrive pas non plus à accorder ma confiance à la plupart des gens, qu'ils aient mon âge, qu'ils soient plus jeunes ou plus vieux. Trop souvent, on m’a planté des couteaux dans le dos. Trop souvent, les gens sont partis sans aucune explication. Trop souvent, la moindre de mes paroles a été rapportée.

Comment voulez-vous faire confiance aux gens quand la terre entière (j’exagère à peine) apprend certaines choses à votre sujet que vous n’avez racontées qu’à une seule personne ?

Non. Je n’ai réellement confiance qu’en trois personnes. C’est peu. C’est très peu. Sûrement parce que ces trois personnes ont les mêmes principes que moi, dont celui de ne pas rapporter aux autres une discussion que l’on a pu avoir même si elle n’était en rien secrète. C’est une simple question de respect.

Le respect se fait très rare.

Et c'est presque étrange à formuler mais la personne en qui j'ai une confiance infinie, c'est bien moi. Moi, je ne me suis jamais trahie.


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L’angoisse que l’on se moque de moi en permanence


Tous les rires que j’ai pu entendre sur mon passage résonnent encore à mes tympans. On se foutait de moi pour tout et n’importe quoi. Vraiment et surtout n’importe quoi. 

Ma façon de m’habiller, de parler, de dire « bonjour », « au revoir », « salut », la taille de mes pieds et de mes mains (c’est sûr que j’ai pu décider de tout ça), mes goûts cinématographiques et musicaux… Mais aussi de ma façon de manger un yaourt (j’étais en terminale quand on m’a sorti cela, pas en face, naturellement… Une belle preuve de maturité. Je cherche encore en quoi ma façon de manger est particulière).

Ces mêmes filles m’ont affublée d’un sobriquet ridicule… Julietta. Parce que je parlais espagnol, vous comprenez. C’était devenu mon prénom officiel pour elles, je n’étais plus Juliette. Et les entendre rouler leur j à chaque fois qu’elles m’appelaient me donnait envie de les étriper.

J’ai l’impression que cela se répétera éternellement, que l’on se moquera toujours de moi pour quelque chose, surtout quelque chose que je n’ai pas choisi et dont je ne suis pas responsable. Oui, on se fout de ce que je fais, de ce que je dis, et on me reproche ce que je ne peux pas changer chez moi. Au final, c’est peut-être bien ça qui fait le plus mal, c’est de savoir que, peu importe ce que l’on fera, on ne pourra jamais satisfaire les gens.

Alors, je sais bien que l’on ne peut pas plaire à tout le monde, c’est un fait, et je n’ai jamais demandé à plaire à tout le monde. En revanche, j’ai toujours demandé l’acceptation et le respect ; je n’ai jamais eu ni l’un, ni l’autre.


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La terreur de me retrouver toute seule


J’ai toujours été très solitaire, j’aime le calme et la tranquillité, les gens m’épuisent très facilement tellement je dois monopoliser toutes mes forces pour être la moins bizarre possible à leurs yeux.

Seulement voilà, quand on est ado, c’est la honte d’être toute seule en public, c’est la honte de ne pas avoir d’amis.

Vous savez ce qu’on dit « Be careful what you wish for » (là, tout de suite, je suis bien incapable de vous traduire cette phrase en français, je la comprends juste. Ça m’arrive souvent. En gros, faîtes attention à ce que vous désirez.)

Alors qu'en troisième, la seule chose que je désirais était d’être ignorée, mon vœu a été exhaussé en seconde. Je vous le donne en mille, ça ne m’a pas convenu non plus. C’est pourquoi, à partir de la première, j’ai tout fait pour que ça n’arrive plus, quitte à m’entourer de personnes que je n’appréciais pas, avec qui je ne me sentais pas à l’aise, qui me faisaient du mal et m’humiliaient, qui participaient à mon harcèlement. Je me détestais pour ça, mais tout valait mieux que d’être toute seule.

La terreur de me retrouver seule à une table m’a poursuivie bien après que j’ai quitté le lycée. Cette peur était tellement ancrée en moi que, pendant mes années fac, je ne mangeais pas le midi si je n’avais personne pour me tenir compagnie.

Résultat, aujourd’hui, je suis obligée de manger dès que je ressens une sensation de faim sinon, je suis bonne pour faire un malaise. C’est merveilleux, n’est-ce pas ?

Je sais que c’est de ma faute de ne pas m’être alimentée correctement pendant plusieurs années mais, en même temps, cette peur ne m’aurait jamais été inculquée si je n’avais pas été harcelée.

Parce que je le dis à nouveau ici : il n’y a aucun mal à être seule, vraiment aucun.


Article lié : Ne pas avoir d'amis

Article lié : Vivre seule


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L’incapacité à parler de moi


Très contradictoire quand on tient un blog, n’est-ce pas ? Et pourtant…

Je n’ai jamais été très douée pour parler de moi, c’est un fait., je déteste ça. Depuis que je suis petite, je trouve que c’est donner aux gens le pouvoir de nous détruire, mais cela a empiré avec le harcèlement. 

Que l'on se moque de moi, de mes goûts m'a fait extrêmement mal, si bien que je n'ose jamais parler de ce qui me plaît alors que j'en meurs d'envie.

Lorsque les gens détiennent une information à mon sujet, ils peuvent s’en servir à contre moi. Et ils n’ont jamais hésité à le faire mais une fois en particulier reste gravée dans ma mémoire. Ils se sont attaqués à moi de la pire des manières, ils ont touché à la partie de ma vie que préférais, celle qui était mon refuge. 

Ils m’ont accusée d’avoir des relations sexuelles (de façon bien vulgaire) avec un homme de vingt-six ans mon aîné. J’avais dix-sept ans, il en avait quarante-trois. Je n’avais parlé de lui qu’avec ma prétendue amie parce que j’étais blessée après un sale coup qu’elle m’avait fait. J’étais blessée mais j’étais trop fière pour l’admettre. Les gens n’auraient jamais eu connaissance de son existence si elle ne m’avait pas trahie. Comment voulez-vous que je parle de moi après ce qu’il m’est arrivé ?

Oh, je me suis beaucoup ouverte ici (rien que cet article le prouve, j'ai tendance à oublier que le monde entier peut me lire). Le fait que vous ne connaissiez pas mon visage joue pour beaucoup. J’ai beau savoir que la terre entière peu me lire, parler à un écran rend beaucoup plus libre et m’aide à dépasser ma peur. Ce n’est donc pas de sitôt que vous verrez ce à quoi je ressemble.


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La terreur de croiser des personnes de mon passé


Revoir ses anciens camarades de classe, ses anciens profs, c’est une chose commune qui, généralement, fait plaisir. C’est l’occasion d’évoquer le bon vieux temps (lol) et voir ce que les gens sont devenus (pour mieux les critiquer par la suite. Les humains sont merveilleux.). Autant vous dire que je n’ai aucune personne de cette période en « ami » sur Facebook, que j’évite le plus possible les réunions d’anciens élèves et que je suis devenue un véritable fantôme à leurs yeux (surtout qu’ils trouveraient que ma vie est nulle et je n’ai pas envie de les entendre le penser ou de voir de la condescendance dans leurs regards).

Moins je les vois, mieux je me porte.

Même après toutes ces années, je suis toujours prise de panique à l’idée de croiser des gens que j’ai côtoyé pendant toutes ces années où j’ai été harcelée. Si j’ai cette crainte, c’est parce que je n’ai pas du tout changé physiquement (sérieusement, j’ai exactement le même visage qu’il y a quinze ans, je ne vieillis pas). Je m’arrange toujours pour aller dans des endroits où je suis à peu près sûre de ne pas les voir et, quand je ne peux pas faire autrement, je songe au fait de porter un masque pour éviter qu’on me reconnaisse.


C’est moche, hein ? D’avoir encore toutes ces peurs des années après. On dit que tout passe avec les années, j’attends toujours que le temps fasse son travail.


J’ai envie de conclure cet article par un message de prévention, un message qui ne servira peut-être à rien mais s’il peut être lu par une seule personne, j’aurai la sensation d’avoir apporté quelque chose.

Ce que je vais dire va sembler bateau et très certainement vain mais, je vous en conjure, n’harcelez personne. Que ce soit à l’école, sur les réseaux sociaux, au travail. PERSONNE, JAMAIS.

Vous n’aimez pas quelqu’un, ignorez-le. Ça ne vous coûte rien, vous en sortirez peut-être grandi (ou pas mais peu m'importe) et vous ne détruirez pas la vie de quelqu’un.

Parce que oui, on parle bien de détruire la vie d'une personne.

Bien sûr, on finit par ne plus avoir de contact avec les personnes qui nous harcèlent. Mais ce n'est pas parce que ces personnes sont passées à autre chose que c'est également le cas pour celui qui a été harcelé. Pour lui, l'enfer est toujours là et même si il a envie d'avancer, la moindre petite chose peut le faire replonger dans ce qu'il a vécu.

Parce que, quand on veut, on ne peut pas toujours.


Juliette


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