Le corps et le regard des autres

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Comme vous l’avez deviné avec le titre, aujourd’hui, j’avais envie de vous parler de la relation que j’entretiens avec mon corps. Elle a été faite de hauts et de bas. Et si aujourd’hui, je suis dans une bonne période quant à mon apparence, ça n’a pas été le cas pendant près de quinze ans.

J’ai toujours aimé clamer à qui voulait l’entendre que je n’avais aucun complexe. Ça n'a pas tout le temps été vrai. Mon corps et moi, on a longtemps eu une relation compliquée. 

En réalité, je voulais à tout prix me persuader que je n’avais aucun complexe. Je me disais que pour me sentir bien dans mon corps, je devais me répéter que c’était le cas. Sauf que ça ne s’est pas du tout passé comme je l’espérais.


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Une enfance paisible

 

Quand j’étais petite, j’étais très fine, pas maigre mais mince. Ma peau était très pâle (c’est encore le cas à l’heure actuelle, je ne bronze pas) et j’étais très grande. Je dépassais d’une tête la plupart de mes camarades de classe et j’avais (j’ai toujours) les dents du bonheur et des grands yeux. Rien de tout cela ne me complexait. J’étais née comme ça, je ne me posais pas la question de savoir si c’était beau ou pas, si ça plaisait aux gens ou non, je m’en fichais royalement puisque je ne l’avais pas choisi.

Ma poitrine s’est développée dès l’âge de dix ans et, par conséquent, j’ai commencé à porter des soutiens-gorge à ce moment-là. Mes règles sont arrivées en sixième, quand j’avais onze ans. Avec tout ça, j’ai attrapé une pilosité assez importante avec des poils très foncés. Je voyais bien que mon corps était différent de celui des autres filles avec qui je partageais les vestiaires en cours de sport, il était plus avancé. Mais, encore une fois, je n’en avais rien à faire. Tout le monde ne pouvait pas grandir au même rythme, j’étais juste un peu en avance à ce niveau-là, les autres filles me rattraperaient plus tard.

Et c’est aussi à ce moment-là que ma croissance s’est considérablement ralentie. En sixième, je faisais quasiment ma taille actuelle. Mes pieds, mes mains et mes poignets, quant à eux, ont cessé de grandir à cette année-là.

J’ai les poignets et les doigts tellement fins que c’est une galère sans nom pour me trouver des bijoux qui me vont. Tout est toujours trop grand. Quant aux chaussures, je suis bien contente que depuis quelques années on trouve bien plus facilement des petites tailles dans les magasins parce qu’il y a de ça quinze ans, trouver des chaussures en taille 35/36 en dehors du rayon enfant, c’était galère. Et quand j’étais ado, je n’avais plus envie de me chausser chez les enfants, voyez-vous.


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Une adolescence compliquée

 

En fin d’année de cinquième, alors que je venais d’avoir treize ans, on m’a diagnostiqué une scoliose et on m’a obligée à porter un corset et à cesser toute activité physique. Les cours de sports étaient terminés pour moi, désormais, j’étais sur le banc des dispensés (la seule dispensée de la classe), condamnée à passer mes mercredis matin à regarder les élèves de ma classe pratiquer divers sports sans que cela me soit d’une quelconque utilité (ne cherchez pas la logique du pourquoi on m’obligeait à assister à ces cours, il n’y en a pas. Heureusement, mon prof de sport de quatrième discutait avec moi, ça me faisait passer le temps).

Quand j’ai pu retirer le corset et reprendre les cours d’EPS trois ans plus tard, j’étais devenue nulle au possible. Moi qui, sans être douée en sport, n’étais pas la plus mauvaise, je n’avais plus aucune condition physique, plus aucune capacité, je ne savais même plus courir sans être essoufflée au bout de vingt secondes. J’étais dégoûtée par ce que j’étais devenue. Et le prof que je me suis tapée durant trois ans au lycée n’a rien fait pour arranger les choses (je vous en parlerai un jour, c’est un sujet très intéressant).

Je ne reconnaissais plus mon corps, moi qui avais toujours eu un ventre plat, j’avais désormais de l’estomac. Le physique qui était maintenant le mien me répugnait. C’était quelqu’un d’autre que je voyais dans le miroir, ce n’était pas moi.

D’autant plus qu’au lycée, je n’avais pas vraiment la possibilité de me vêtir comme je le souhaitais. Je portais des vêtements qui ne me saillaient pas, qui ne me plaisaient pas, simplement pour être comme tout le monde et pour que les gens n’aient rien à redire à ce sujet. Sauf qu’autant vous dire que les chemisiers avec ma forte poitrine, ça la foutait mal. J’étais obligée d’en acheter des dix fois trop grands pour pouvoir fermer les boutons et de mettre des débardeurs dessous, été comme hiver, histoire que l’on ne voit pas mon soutien-gorge si un bouton venait à se détacher.

Je commençais à complexer à cause de la couleur de ma peau. Je me trouvais trop blanche alors, je m’exposais un peu plus, tout en ayant parfaitement conscience des dégâts que le soleil pouvait faire sur la peau.

Je n’avais pas d’acné mais je focalisais mon attention sur chaque petit bouton qui pouvait apparaître sur mon visage, notamment sur mon nez qui en était couvert à cause du stress, ces boutons disparaissaient dès que j’étais en vacances. Je ne portais pas de maquillage pour autant, j’avais saisi qu’empêcher ma peau de respirer ne ferait qu’accentuer le problème.

En plus de ça, j’avais des plaques d’eczéma au niveau de la pliure du coude de chaque côté, toujours à cause du stress. Le stress n’est pas bon pour le physique, pas du tout.

Pourtant, on ne me faisait pas spécialement de remarques au sujet de mon physique, ou du moins, on n’en faisait pas devant moi. On m’a juste dit une fois qu’on ne me trouvait pas terrible, ce qui ne m’a rien fait puisque, moi non plus, je n’aimais pas mon physique, ça n’a donc pas ébranlé mon confiance en moi puisqu’elle était inexistante.

Cependant, me sentir comme ça ne m’a jamais empêché de me mettre en bikini sur la plage. J’avais toujours une petite crainte dans un coin de ma tête mais, comme je ne connaissais personne là où je partais en vacances, mes appréhensions disparaissaient bien vite.

L’été, je vivais, je me sentais libre de porter les vêtements que j’aimais et ceux qui, je trouvais, me mettaient en valeur.

Ma relation avec mon corps était au beau fixe quand je ne voyais pas mes camarades de classe parce que je n’en avais rien à foutre de ce que pensaient de mon apparence des gens qui ne me connaissaient pas.


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Un début de vie d’adulte médiocre

 

Quand j’ai quitté le lycée, j’ai enfin pu recommencer à me vêtir comme je le souhaitais (sauf que je n’avais aucune idée de ce que j’aimais puisque je n’avais pas vraiment eu le droit d’exprimer mes goûts les années précédentes) et j’ai totalement abandonné le sport. À quoi bon continuer à souffrir ? Je n’avais toujours pas retrouvé ma condition physique d’antan, et je m’étais mise en tête que je ne la retrouverai jamais. Je marchais beaucoup quotidiennement (j’aimais et j’aime toujours ça), c’était suffisant.

Et puis m’est arrivée une grosse séparation que j’ai très mal vécue, suivie d’une dépression qui a fait que je n’avais plus envie de bouger même un minimum (j’étais littéralement devenue une larve) et que je m’alimentais très mal. Je prenais un petit-déjeuner, je mangeais très peu au déjeuner, et je dînais n’importe quoi, généralement, quelque chose de rapide à préparer et qui était terriblement insipide. Ma mère avait la gentillesse de me préparer des plats pour remplir mon congélateur, je ne les mangeais pas, je les jetais à la poubelle et je rendais les tupperwares propres. Je mangeais juste pour ne pas me sentir mal, et pas forcément des choses qui me plaisaient, simplement pour pouvoir continuer à me dire que je n’avais pas de problème avec la nourriture même si, dans le fond, j’avais clairement conscience d’en avoir un.

C’est à partir de ce moment-là que j’ai commencé à prendre du poids. Et curieusement, ça ne me dérangeait pas plus que ça, j’évitais juste de me regarder dans le miroir, c’était facile. Dans mon appartement, il n’y avait pas de miroir en pied et quand j’étais chez mes parents, je détournais le regard dès que je passais devant la grande glace qu’il y avait au bout du couloir.

Arrivée en master, j’ai rencontré de nouvelles personnes mais je n’arrivais pas à me lier à quiconque. J’étais toujours dans une période dépressive et, honnêtement, qui a envie d’être accompagné d’une personne qui va mal ?

J’ai commencé à manger deux repas par jour. Je sautais toujours le déjeuner. C’était facile étant donné que ma hantise était de me retrouver toute seule pour manger, et comme c’était souvent le cas, je faisais mine d’aller m’acheter quelque chose, mais je me rétractais devant la boutique. À quoi bon ?

Je prenais un bon petit-déjeuner le matin et, le soir, je mangeais pour me remplir l’estomac, encore plus n’importe quoi que précédemment, jusqu’à avoir la sensation d’exploser parce que je ne voulais pas qu’il y ait de restes que j’aurais pu prendre pour manger le lendemain midi.

Je ne mangeais bien que le weekend, lorsque je rentrais chez mes parents, tout en prenant bien soin de leur cacher ce que je faisais le reste de la semaine.

Moi qui n’aime ni le gras, ni le sucre, c’est ce dont je me suis majoritairement nourrie durant mes années de dépression, comme si j’avais besoin de ça pour retrouver l’énergie qu’il me manquait.


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Un renouveau

 

Quand je suis entrée dans la vie active (on en parle de la débilité de cette expression ?), moi qui n’avais jamais eu quelconque problème avec mon physique, j’ai commencé à me trouver grosse. Mes vêtements me boudinaient et je devais désormais acheter des plus grandes tailles. Je regardais un peu trop les réseaux sociaux à cette période et, même si je savais que les photos étaient toutes retouchées, je ne pouvais m’empêcher de me comparer à ce que je voyais ; des ventres plats et des cuisses fines.

Je savais qu’il fallait que j’apporte des modifications à ma vie quotidienne, me remettre au sport, recommencer à manger normalement, mais je n’y parvenais pas.

Et puis, le covid est arrivé et avec lui, le premier confinement. Ce qui s’est avéré être une période de souffrance pour beaucoup m’a libérée. Je n’étais plus obligée de suivre le rythme des autres et j’ai enfin pu vivre à mon propre rythme et me recentrer sur moi.

C’était de ça dont j’avais besoin.

J’ai repris le sport, difficilement au début, je savais à peine faire quinze minutes de vélo elliptique par jour avant d’être à bout de souffle et puis, au bout d’un certain temps, ma condition physique s’est améliorée. J’ai recommencé à manger sainement, à prendre le temps de cuisiner, à diversifier mon alimentation et j’ai arrêté de suivre plein de comptes sur les réseaux sociaux.

Je ne cherche plus à bronzer à tout prix, aujourd’hui, je cherche à éviter à tout prix les coups de soleil.

Oui, j’ai une forte pilosité, qui tend à s’estomper avec le temps, mais si je n’ai pas les jambes lisses tous les jours, je n’en fais pas une maladie et ça ne m’empêche pas de porter des shorts et des jupes. Ce n’est pas grave.

Aujourd’hui, j’ai maigri, je me suis découvert un corps que je n’avais jamais connu. Je fais désormais un peu de sport tous les jours et je mange bien et varié. Je ne me prive de rien et je n’achète quasiment plus rien d’industriel, je fais tout maison, aussi bien le pain que les biscuits ou la brioche.

C’est en arrêtant de vouloir contrôler mon corps que j’ai commencé à maigrir et que j’ai pu enfin découvrir le corps que le corset m’avait volé des années plus tôt.

C’est en lâchant prise que j’ai enfin pu être bien dans mon corps.


Si je dois rajouter une chose en conclusion de cet article, c'est ceci :

Ne jugez jamais le physique d'une personne, vous ne savez pas pourquoi elle a le corps qu'elle a.

Ne jugez jamais une personne tout court, vous ne savez pas pourquoi elle est comme elle est.


Juliette



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