Vivre avec des traumatismes
J’ai pour habitude de rédiger un brouillon de mes articles pour m’assurer de ne pas trop me répéter mais, cet article-ci, j’ai envie qu’il soit spontané. J’ai envie de ne pas trop réfléchir aux phrases que j’écris. J’ai envie que les mots que vous lisez soient ceux qui me sont venus naturellement.
Comme vous l’avez compris avec le titre, aujourd’hui, j’ai envie de vous parler des traumatismes et de ce que ça fait de vivre avec cela.
Il y a des sujets dont je ne parle jamais, parce qu’ils sont difficiles à évoquer ou parce que j’estime qu’ils ne regardent personne d’autre que moi et les gens directement concernés par le sujet, bien entendu.
Aujourd’hui, j’avais envie de déroger un peu à cette règle et de vous emmener dans mon intimité, à l’intérieur de ma tête.
Des traumatismes, nous en avons tous, ceux-ci étant plus ou moins importants et ayant un impact plus ou moins grand sur notre vie.
Parfois, croit que l’on a réussi à dépasser ces traumatismes, que l’on est guéri, que l’on n’a plus peur et puis, il suffit qu’un simple petit élément s’invite dans notre vie pour que cela réveille les douleurs que l’on avait enfouies.
Il y a un sujet que je n’ai pas encore abordé sur ce blog ; celui du harcèlement scolaire. J’ai été harcelé à différentes périodes de ma vie par des personnes différentes. Je ne vous parlerai pas de cela aujourd’hui, ce thème fera l’objet d’un article futur, j’ai plutôt envie d’aborder les traumatisme que m’ont laissé les années durant lesquelles j’ai été harcelée.
Mes traumatismes ont été ravivés il y a peu, alors que j’allais chercher un colis et que, pour ce faire, j’étais obligée de passer par un endroit bourré de lycéens qui sortaient de cours. Instantanément, je me suis sentie mal et je suis replongée plus de onze ans en arrière. Les sensations étaient exactement les mêmes, je me suis retrouvée tétanisée et j’ai dû lutter contre mon envie de faire demi-tour. Autant vous dire que je suis passée devant eux à la vitesse de la lumière (mais c'est cet évènement en apparence anodin qui m'a inspiré cet article).
Les traumatismes liés au harcèlement scolaire ne sont jamais mis en lumière, les gens ont tendance à dire qu’une fois que l’on a quitté ses harceleurs, on peut reprendre sa vie comme si rien ne c’était passé. C’était ce que je croyais, moi aussi, je n’aurais pas pu être plus dans le faux.
Les traumatismes sont là, ils persistent, ils déterminent notre comportement dans telle ou telle situation.
Le harcèlement scolaire m’a laissé quatre traumatismes :
Penser que tout est de ma faute
J’ai été harcelée sans que j’en comprenne la raison. En primaire, par une seule fille qui ne pouvait pas me voir. Au collège, par quasiment l’entièreté des élèves de troisième. Au lycée, par la majeure partie des personnes qui faisaient le même bac que moi et par un professeur.
Tout ça, c’était de ma faute. Je ne leur avais rien fait, absolument rien (pas à ma connaissance, du moins, et pas que j’en ai conscience) mais, puisque tout le monde se mettait contre moi, c’était que quelque chose en moi n’allait pas.
Le pire dans ces cas-là est de se rendre compte que l’on ne peut pas se tourner vers les adultes, et que la parole d’une seule personne vis-à-vis de celle de tout un groupe ou d’un enseignant ne vaut rien.
Aujourd’hui, dès que quelque chose ne va pas, j’ai l’impression que je suis entièrement responsable de ce qu’il m’arrive. Je me fais des tonnes de scénarios dans ma tête en me disant que, si j’avais agi différemment, si j’avais été à tel endroit à tel moment, si j’avais dit certaines choses ou que je n’avais pas parlé, les évènements auraient pu être différents.
Si je me sens mal, c’est de ma faute, je suis responsable de mon propre malheur, je suis responsable de ce que je suis, même des choses sur lesquelles je n’ai eu aucune influence.
Avoir peur en présence de jeunes
J’ai toujours ressenti une sorte d’anxiété avec la plupart des gens (à part les enfants et les personnes en qui j’ai une entière confiance), mais rien de comparable avec ce qu’il se passe lorsque je me retrouve en présence d’un groupe d’adolescents.
Il m’est déjà arrivé de changer de trottoir ou de faire des détours simplement pour ne pas avoir à passer près d’eux, alors que ce sont des personnes que je ne connais pas.
Quand je les vois en train de discuter ou rire, mon cerveau envoie un signal d’alerte. Je me tends, je n’arrive plus du tout à faire preuve de naturel, j’ai peur que le moindre rire me soit adressé. Tout ça, pourquoi ? Parce qu’ils sont plus jeunes que moi.
Avoir peur d’être rejetée
Le traumatisme du rejet ne m’a pas été créé par le harcèlement, je l’ai depuis mon enfance, mais celui-ci a considérablement contribué à ancrer cette peur en moi.
J’ai peur que l’on ne veuille pas de moi, partout où je vais, dans tout ce que je fais, pour des raisons qui n’en sont pas, simplement parce qu’on trouve que mon âge ne me rend pas légitime d’aborder tel ou tel sujet, parce que l’on n’aime pas mon visage, parce que l’on trouve mon style vestimentaire original, parce que l’on n’arrive pas toujours à me suivre dans le développement de mes pensées, parce que l’on trouve que je suis trop réservée ou, à l’inverse, que je parle trop, parce que l’on estime que je suis trop secrète.
Je suis toujours terrifiée à l’idée que l’on se moque de ce que je suis, de ce qui fait ma personnalité, de mes goûts.
Oui, j’ai peur que l’on ne me trouve jamais assez bien, j’ai peur d’être rejetée pour ce que je suis. C’est pour cette raison que je suis incapable de me présenter et de dévoiler ce que je suis, je suis trop effrayée d’être jugée et de me prendre encore des critiques sur ma façon d’être.
Avoir peur de me montrer
Cela rejoint un peu le point précédent. C’est cette peur de me montrer qui m’a poussée à ne pas afficher de photo de mon visage ici et à bloguer de façon plus ou moins anonyme (« plus ou moins » parce que j’ai bien conscience que l’anonymat n’existe pas vraiment mais j’aime penser que je le suis).
Ce point rejoint un peu le précédent, j’ai peur que l’on ne m’aime pas, que l’on juge uniquement mon apparence et pas ce que je propose, pas mes mots. Et je pense pouvoir affirmer que vous ne verrez jamais ma tête.
D’ailleurs, je suis inexistante sur les réseaux sociaux. Je suis des gens mais je ne poste jamais rien, j’ai bien trop peur que les gens que j’ai eu le malheur de connaître me trouvent et m’attaquent à nouveau.
Vous voyez, on ne peut pas toujours passer à autre chose facilement, même si on en meurt d’envie. On doit juste apprendre à vivre avec les traumatismes qui nous ont été laissés, tout en gardant en tête que les blessures peuvent se rouvrir à tout instant.
Je peux accepter les critiques et les remarques au sujet de mon travail parce que je peux le modifier, je peux m’améliorer. Je ne peux rien faire concernant ma façon d’être, mon cerveau, mon physique (bon, si, je peux faire de la chirurgie mais c’est une limite que je ne veux pas franchir parce que, moi, je ne me déteste pas physiquement parlant), mes goûts.
Apparemment, on ne se remet pas aussi facilement des souffrances que les autres nous infligent et faire comme si elles n’existaient pas n’est pas la solution.
Quelle est la solution alors ? Je ne l’ai pas et j’ai tout essayé, en parler avec des professionnels, écrire à ce sujet, faire un énorme travail sur moi-même. Rien n’y a fait.
J’imagine simplement qu’il faut laisser faire temps et que ces traumatismes finiront par s’endormir à tout jamais.



